La responsabilité civile pour faute des professionnels de santé dans le cadre de la télémédecine
Article By : Allem Boufallous
Du point de vue juridique, la télémédecine constitue une nouvelle forme de pratique médicale, mais elle est néanmoins considérée comme une pratique médicale à part entière. Par voie de conséquence, la responsabilité qui pèse sur les professionnels de santé est identique à celle à laquelle ils sont astreints dans le cadre le plus coutumier de la médecine. Par ailleurs, bien que la télémédecine soit de nature à créer de nouvelles obligations à la charge des professionnels de santé, le législateur n’a pas créé un régime de responsabilité spécifique à cette pratique. La télémédecine relève, ainsi, du droit commun de la responsabilité. S’agissant des règles du droit commun de la responsabilité, le principe de la responsabilité pour faute est toujours maintenu, en matière civile, à l’encontre des professionnels de santé fautifs impliqués dans la pratique de télémédecine. Or, l’exercice de la télémédecine n’est pas sans incidence sur la responsabilité civile pour faute des professionnels de santé. Ceci suscite la curiosité de savoir comment se caractérise la responsabilité civile pour faute des professionnels de santé dans le cadre de la télémédecine ? La pratique de télémédecine n’est pas sans conséquence sur la responsabilité civile pour faute des professionnels de santé. Celle-ci connaît un alourdissement remarquable par rapport à l’exercice coutumier de la médecine. Cet alourdissement se justifie par la pluralité des obligations incombant aux professionnels de santé pratiquant la télémédecine. Ainsi, plus on soumet le praticien à davantage d’obligations, plus on l’expose au risque de commission d’une faute. De ce fait, nous nous arrêtons, en premier lieu, sur les manifestations classiques de la faute des professionnels de santé (I) avant d’examiner, en second lieu, les nouvelles manifestations de la faute des professionnels de santé en télémédecine (II). I. Les manifestations classiques de la faute des professionnels de santé en télémédecine Lors d’une prise en charge à distance, le professionnel de santé peut commettre des fautes classiques qui pourraient être commises dans le cadre de l’exercice ordinaire de sa profession. Ainsi, ces fautes ne peuvent déroger à deux cas de figures : soit elles sont liées à un manquement à une obligation lors de la relation médicale, soit elles sont relatives à une violation d’une obligation au moment de la réalisation de l’acte médical. Nous parlons classiquement des fautes d’humanisme (A) et des fautes techniques (B). A. Les fautes d’humanisme Bien que les fautes d’humanisme soient multiples, celles-ci n’ont pas toutes la même importance. Parmi ces fautes, le non-respect du consentement du patient (a) ainsi que la divulgation du secret médical (b) nécessitent une attention particulière en raison de leur spécificité en télémédecine. a) Le non-respect du consentement du patient Dans le cadre de la télémédecine, le professionnel de santé conserve son devoir classique de recueillir le consentement du patient. D’ailleurs, la loi n° 2018-43 relative à l’exercice et à l’organisation de la profession de médecin et de médecin dentisteexige le recueil du consentement avant la réalisation d’un acte de télémédecine, en disposant : « Hormis les cas d’urgence médicale qui nécessitent de porter secours pour sauver la vie du patient et au cours desquels son information et le recueil de son consentement ou celui de son tuteur légal s’avèrent impossibles, le médecin ou le médecin dentiste traitant ne doit procéder à aucun acte dans le cadre de télémédecine qu’après en avoir informé le patient et, le cas échéant, son tuteur légal et avoir recueilli son consentement éclairé, et ce, par tout moyen laissant une trace écrite ou électronique ». En outre, le décret présidentiel n° 2022-318 fixant les conditions générales d’exercice de la télémédecine et les domaines de son application impose cette obligation dans l’article 21, énonçant : « Avant la réalisation de tout acte de télémédecine, le consentement libre et éclairé du patient, ou le cas échéant, de son tuteur légal doit être recueilli ».