La révision des partenariats Public-Privé : Perspectives juridiques et opérationnelles

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En matière de partenariat, l’exécution de l’objet du contrat requiert la mobilisation par le cocontractant de moyens financiers très importants pour pouvoir réaliser le projet demandé et honorer les engagements résultants. Etant de longue durée, ces contrats impliquent de grands investissements ainsi que l’intervention de plusieurs acteurs de sorte que les investisseurs ne sauront se lancer dans de tels engagements sans la garantie d’une évolution continue de leur contrat en fonction de l’évolution de la conjoncture. Pour cette raison, avec cette attention particulière accordée par les prêteurs et les investisseurs aux mécanismes de modification des contrats de partenariat, surtout à la sécurité financière qu’ils offrent, ainsi que le rattachement de ces contrats aux exigences de mutabilité des services publics, le législateur tunisien a reconnu la possibilité, pour les parties, de procéder à une adaptation adéquate voire une « évolutivité » de leur contrat à travers la technique de la « révision ».

Dans ce même ordre d’idées, trois questions peuvent nous intriguer et qui sont les suivantes : Tout d’abord, comment aboutir à cette révision ? Ensuite, quels sont ses objectifs ? Et enfin, est-ce qu’elle connaît des restrictions ? On peut, donc, conclure qu’il sera légitime de poser la problématique suivante : quelle est l’étendue de la révision du contrat en matière de partenariat publicprivé ? Pour répondre à cette problématique, on va démontrer, au préalable que la révision est une technique contractuelle très fréquente en matière de partenariat publicprivé (partie I), ensuite on va révéler les restrictions qui lui ont été apportées (partie II).

I- La révision du contrat : une technique très fréquente en matière de partenariat public-privé

Depuis la révolution de 2011, la crise économique est de plus en plus inextricable. De ce fait, la « recrudescence de la privatisation de la gestion publique » , devient aujourd’hui l’un des traits les plus marquants de la politique de l’Etat Tunisien : ce dernier fait, fréquemment, recours aux contrats de partenariat qui englobent, au sens large , les contrats de partenariat public privé (PPP) et les contrats de concession. A cet égard, et afin d’améliorer l’attractivité de ces contrats, la possibilité de « la révision » est désormais consacrée bel et bien dans les textes juridiques (a) et ce dans le cadre de la mise en œuvre de la politique d’incitation à l’investissement (b).

a- La consécration textuelle de la technique de la révision

Le nouveau cadre juridique des contrats de partenariat tient fortement à soutenir le secteur privé afin d’encourager l’investissement en Tunisie. De ce fait, il est désormais possible pour les parties d’aménager contractuellement les conditions d’adaptation du contrat en intégrant, dans le contrat de concessions ou de PPP, de nouvelles dispositions dites « des clauses de révision ». Ces dernières sont aussi appelées des clauses de « réexamen », « de hardship », « de rendez-vous » ou encore « de rencontre » : elles sont des clauses en vertu desquelles les parties « s’engagent à se rencontrer pour évoquer ensemble (…) l’évolution du contrat au bout d’une durée prédéterminée ou en cas de réalisation de certains événements ».

A cet égard, l’article 21 de la loi de 2008 dispose que « le contrat peut prévoir la possibilité pour le concessionnaire d’en demander la révision en cas de bouleversement de l’équilibre financier du contrat pour des raisons survenant après la conclusion du contrat et étrangères à la volonté du concessionnaire ou en vue de l’adaptation du service public objet du contrat aux besoins et évolutions technologiques et économiques à la demande du concédant ». Il s’agit, donc, d’envisager, dans une nouvelle perspective, les solutions jurisprudentielles traditionnelles : celle de la révision pour imprévision et celle de l’indemnisation en contrepartie de la mutabilité du service public tel que systématisées par le juge administratif.

De même, la loi de 2015 relative aux contrats de PPP, prévoit dans son article 23 que « le contrat doit indiquer les modalités de calcul et de révision de la rémunération ».

En outre, le décret n° 2016-772 du 20 juin 2016 réaffirme dans l’article 62 que le contrat doit énoncer « les conditions garantissant l’équilibre du contrat en cas de force majeure et dans les circonstances imprévues » ainsi que « les procédures de modification du contrat au cours d’exécution » c’est-à-dire les procédures de sa révision.

Il est à noter que la renégociation autorisée dans le cadre de la révision représente une obligation de moyens qui incombe aux parties : elles « se bornent à envisager de manière générale les principes et les finalités de sa mise en œuvre »: il ne s’agit pas, en ce sens, d’une organisation anticipée et systématique de la réadaptation, mais il faudra plutôt négocier.

En d’autres termes, la réouverture du contrat pour la révision, qui est devenue possible, nécessite une procédure de renégociation des conditions d’exécution par les parties au contrat.
A cet effet, le Conseil d’Etat (ci-après CE) français a jugé que la délibération d’une autorité concédante visant à contraindre son concessionnaire à respecter la procédure de révision du tarif prévu par le contrat initial, n’est pas une décision unilatérale susceptible d’engager sa responsabilité : le cocontractant est obligé de respecter les dispositions du contrat y compris l’obligation de renégociation. Cela revient à dire qu’aucune partie ne peut revenir sur une clause de révision ou refuser sa mise en œuvre : celle-ci une fois consentie initialement par les parties, bénéficie d’une force obligatoire à leur égard.

. A ce stade, on peut s’interroger : quelle est la finalité souhaitée et le but recherché à travers cette révision ? et comment s’insère-t-elle dans la politique de l’Etat relative à l’incitation à l’investissement ? (b).