L’émergence menacée des Cours constitutionnelles au Maghreb

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« Le XIXème siècle a été le siècle des Parlements, le XXème est le siècle de la justice constitutionnelle ». Cette citation du constitutionnaliste italien Mauro Cappelletti décrit bien le développement des juridictions constitutionnelles eu Europe. D’inspiration kelsénienne, les Cours constitutionnelles se sont principalement déployées en Europe après la Seconde guerre mondiale. Le contrôle juridictionnel de la constitutionnalité des lois représente un bouclier de plus pour la protection des droits des minorités et contre le risque d’un nouveau totalitarisme. À chaque chute dictatoriale correspond un pas de plus pour la justice constitutionnelle, dans les années 1970 pour l’Europe du sud et dans les années 1990 pour l’Europe de l’est . Néanmoins, les trois pays du Maghreb central ; la Tunisie, le Maroc et l’Algérie, sont restés en marge de ce mouvement. Ce n’est qu’à la fin des années 1980 que sont créés les premiers Conseils constitutionnels. Si cette période correspond à une libéralisation de la vie politique, l’État de droit reste inachevé dans la mesure où le pouvoir exécutif reste le pouvoir hégémonique. Les Conseils nouvellement créés en restent dépendants. C’est uniquement après la période du Printemps arabe qu’il est possible de parler de réelles juridictions constitutionnelles au Maghreb. Le renouveau constitutionnel, radical ou tempéré, opéré en 2011 a réintroduit les Cours constitutionnelles au centre du jeu institutionnel. Au-delà du changement d’appellation ; il ne s’agit plus de Conseils mais de Cours constitutionnelles, elles sont chargées de missions centrales dans les nouveaux ordres juridiques. Elles doivent contrôler la production législative, arbitrer les conflits de compétences et surtout garantir les droits fondamentaux, qui connaissent une consécration enrichie dans les nouveaux textes constitutionnels . À cet effet, les Cours constitutionnelles ont vu leur statut renforcé et leurs attributions élargies. Certains parlent même de « printemps des juridictions constitutionnelles. » Pourtant, force est de constater que près d’une décennie après l’édictions des nouvelles constitutions, il n’est toujours pas possible de parler de réelle justice constitutionnelle au Maghreb. La Cour constitutionnelle tunisienne par exemple, n’est toujours pas mise en place. Au Maroc et en Algérie, il est difficile d’observer un contrôle effectif des lois. De plus, la répression violente des contestations sociales en 2017 au Maroc et en 2021 en Tunisie entérine l’échec de la protection des droits fondamentaux . Cela conduit à se demander où en est le constitutionnalisme aujourd’hui au Maghreb ?