Les réfugiés climatiques : Quel cadre juridique pour une protection internationale ?

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Introduction
“La Terre est une, mais le monde ne l’est pas. Nous dépendons tous d’une même biosphère, et pourtant chacun tire à hue et à dia, aveuglé par ses propres intérêts, indifférent aux dégâts causés aux autres. Cette myopie collective a un prix : chaque année, des millions de personnes sont forcées de quitter leurs foyers à cause de l’évolution du climat et des conditions météorologiques extrêmes causées par les émissions de gaz à effet de serre (GES) – notamment le gaz carbonique (CO₂), le méthane (CH₄) et l’oxyde nitreux (N₂O).

Selon le 6 ème rapport du GIEC, les perturbations climatiques devraient entraîner une multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes. En effet, les projections actuelles, plus alarmantes que jamais, prévoient une augmentation de la température mondiale pouvant atteindre environ +5°C d’ici 2100 par rapport au niveau de 1990 pour un scénario de fortes émissions, +3 °C pour un scénario d’émissions modérées et +2 °C pour un scénario de faibles émissions de gaz à effet de serre.
Parmi les impacts les plus préoccupants de ces phénomènes figurent l’intensification des canicules et de la sécheresse, qui entraînent une diminution alarmante des réserves en eau en raison d’une évaporation accrue et d’une recharge insuffisante des nappes phréatiques.
Ce stress hydrique généralisé compromet non seulement l’accès à l’eau potable, mais affecte également les besoins en irrigation agricole. En conséquence, la production agricole subit un déclin significatif, les cultures étant particulièrement vulnérables aux températures extrêmes et au manque d’humidité.
De plus, les forêts, affaiblies par la sécheresse, deviennent plus sensibles aux incendies, ce qui accélère la désertification et aggrave encore le déséquilibre écologique.
Ces phénomènes auront des répercussions graves sur les populations les plus vulnérables, qui sont souvent les moins capables de s’adapter à ces changements rapides et déstabilisants.
Les impacts varieront selon le rythme du réchauffement et le mode de développement socio-économique, mais surtout en fonction des capacités d’adaptation et des stratégies d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre mises en place. En particulier, les politiques vertes, les systèmes d’alerte précoce, l’ancrage d’une culture du risque et les politiques d’urgence jouent un rôle crucial dans la résilience des États et de la communauté internationale face à ces défis.
Les communautés vivant dans des zones côtières, les régions arides ou les pays en développement seront particulièrement exposées, en raison de leur manque d’infrastructures adaptées pour faire face à ces défis. Le HCR (Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) a d’ailleurs averti que ces déplacements pourraient concerner 250 millions de personnes d’ici 2050.
Le 13 juin 2023, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) portant sur la paix, la sécurité, et l’environnement a rappelé que le changement climatique aura pour conséquence d’intenses vagues de migration. Qu’il s’agisse de la disparition de certaines îles sous les eaux montantes, ou de conditions climatiques mettant en péril la vie des habitants, le nombre de déplacés environnementaux n’est voué qu’à augmenter dans les prochaines années.
C’est le cas dans le Pacifique avec l’archipel de Tuvalu exposé à la montée du niveau de la mer, à l’érosion et même à la disparition. C’est aussi le cas dans le Sahel avec le lac Tchad qui, en raison d’une baisse de la pluviométrie et de la sécheresse, connaît un rétrécissement inquiétant, obligeant ainsi, des milliers de personnes à migrer dans l’espace du bassin conventionnel du lac Tchad partagé entre le Nigeria, le Niger, le Cameroun et le Tchad. Shanghai est aussi l’une des principales zones à risque du monde : En plus de 30,5 millions d’habitants, elle abrite le premier centre financier chinois et le premier port à conteneurs de la planète. La quasi-totalité de la mégapole serait concernée par la hausse du niveau de la mer et les inondations annuelles à l’horizon 2050.
L’évolution de la hauteur de la surface des mers entre 1993 et 2023 est plus élevée au large du japon alors qu’elle est moins prononcée sur la côte ouest du continent nord-américain. Tandis que la côte atlantique et le golfe du mexique sont tout particulièrement exposés à la hausse où se situe la Nouvelle-Orléans. On se souvient de l’ouragan Katrina en 2005 qui a inondé 80% de la ville et fait plus de 1800 morts.
La hausse du niveau des mers et des océans constitue une menace majeure pour les pays abritant des régions côtières situées à moins de 10 mètres au-dessus du niveau moyen de la mer. Ces zones concentrent 11% de la population mondiale.
Ces mouvements internes et transfrontaliers mal encadrés sont sources de tensions et d’insécurité. cette situation semble peu préoccupante pour les pays concernés, et encore moins pour les pays riches et la communauté internationale, qui en l’absence de tout cadre juridico-humanitaire et d’un statut protecteur international, montrent peu de signes d’empressement pour trouver des solutions afin d’assister les réfugiés et déplacés climatiques et environnementaux qui risquent d’être lésés dans leur droit à une vie décente.
La question des réfugiés climatiques, abordée sous l’angle du droit, soulève des interrogations fondamentales sur l’efficacité des cadres juridiques actuels pour répondre aux défis posés par les déplacements forcés dus au changement climatique.
Ainsi, la reconnaissance du lien entre migration et changement climatique ouvre la voie à une réflexion plus approfondie sur les mécanismes d’adaptation et de protection juridique des personnes déplacées par ces phénomènes environnementaux, tout en mettant en lumière les défis de gouvernance mondiale dans la gestion de ces flux migratoires en constante augmentation.
En 2022, l’Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC) a recensé 32,6 millions de déplacements provoqués par des catastrophes, parmi lesquels 716 000 étaient dus à des risques géophysiques et 31,8 millions résultaient de phénomènes météorologiques.
Les inondations, les tempêtes, les tremblements de terre, les incendies de forêt et d’autres catastrophes ont déclenché 26,4 millions de déplacements en 2023, soit le troisième total annuel le plus élevé des dix dernières années. Ces chiffres illustrent l’ampleur des migrations environnementales, mais mettent également en évidence une lacune majeure dans le droit international ; l’absence de reconnaissance juridique spécifique des réfugiés climatiques.
Cette situation a soulevé des préoccupations croissantes au sein de la communauté internationale concernant les droits humains et la protection de ces migrants, rendant nécessaire l’élargissement des cadres juridiques internationaux pour inclure les réfugiés climatiques.
Dans ce contexte où les déplacements environnementaux s’intensifient en raison des effets du changement climatique et face aux lacunes des cadres juridiques actuels, comment peut-on établir un régime juridique international garantissant une protection efficace des réfugiés climatiques ?
L’analyse de cette problématique peut être structurée en deux grands axes : une première étape marquée par les insuffisances du cadre juridique actuel en matière de protection des personnes déplacées pour des raisons climatiques, révélant l’inadéquation des instruments existants face à une réalité en mutation constante (I) ; complétée par une dynamique évolutive vers la reconnaissance d’un droit pour les réfugiés climatiques, traduisant une prise de conscience progressive de la nécessité d’un encadrement juridique spécifique et adapté à cette nouvelle catégorie de déplacés (II).