L’expropriation judiciaire en droit international de l’investissement

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L’expropriation indirecte n’est pas un concept nouveau en matière d’investissement. En effet, la protection du droit de propriété trouve son fondement dans l’interdiction del’expropriation illicite, consacrée par le droit des investissements. L’expropriation judiciaire est une forme de l’expropriation indirecte couvrant les situations dans lesquelles les décisions des tribunaux étatiques contribuent directement ou indirectement à la perte de l’investissement de l’investisseur étranger. En se référant à l’article 4 du projet d’articles de la Commission du droit international (ci-après CDI) sur la responsabilité des Etats pour faits internationalement illicites, on peut constater que la conduite irrégulière des juridictions internes peut consister en une expropriation judiciaire dans des circonstances bien déterminées, susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat.
A vrai dire, le concept d’expropriation judiciaire ne cesse de diviser les avis des tribunaux et des spécialistes en matière de droit international de l’investissement. En effet, malgré la divergence des opinions sur ce qui constitue une expropriation judiciaire, au cours des dernières années, plusieurs tribunaux arbitraux d’investissement ont reconnu que les tribunaux nationaux sont capables de procéder à des expropriations en violation des normes de protection et de promotion des investissements édictées par les traités bilatéraux d’investissements (T.B.I) et les traités multilatéraux d’investissement (T.M.I).
En ce sens, le Tribunal de l’affaire Mondev c. EUA, après avoir examiné les demandes des investisseurs étrangers alléguant que la décision de la Cour suprême du Massachusetts constitue une expropriation, avait constaté sur le fondement de l’Accord de libre échange nord-américain (ci-après ALENA) que les décisions des tribunaux américains ont porté sur une expropriation : « It could be said that by the decisions of its courts, the United States effectively expropriated the value of the rights to redress arising from the failure of the project ».
La même démarche a été suivie par le Tribunal dans l’affaire Petrobart c. Kighistan qui, sur le fondement du traité sur la Charte de l’énergie, n’a pas rejeté la possibilité qu’un acte judiciaire attaqué au nom d’une expropriation indirecte puisse engager la responsabilité de l’Etat. Une approche différente a été adoptée par le Tribunal de l’affaire Eli Lilly and Company c. Canada qui constitue la première sentence en matière d’investissement portant sur la protection de brevets selon laquelle le Tribunal avait exigé que la décision judiciaire portant sur une expropriation doit comporter des éléments « flagrants et choquants ».
Dans ce sens, le Tribunal de l’affaire Garanti Koza LLP c. Turkménistan avait expliqué que la saisie de biens par un Tribunal à la suite d’une procédure judiciaire nationale ne peut constituer une expropriation en vertu du droit international, à moins qu’il n’y ait une irrégularité grave et fondamentale dans la procédure judiciaire.