L’information médicale en télémédecine entre renforcement et fragilisation

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Préalablement à tout acte médical, le professionnel de santé doit informer son patient sur l’acte réalisé ainsi que ces risques possibles. Il s’agit d’une obligation qui incombe à chaque professionnel de santé dans « tous les aspects de la prise en charge ». En effet, « sur le médecin pèse un devoir scientifique et humanitaire d’informer le malade de son état, des décisions appropriées, des techniques, traitements, et de tout procédé qu’il a l’intention de pratiquer pour le diagnostic et le traitement ».

C’est ce qui a été réaffirmé par la Cour de cassation de Tunis qui a élargi le champ de la responsabilité du médecin pour inclure la réparation du préjudice corporel à défaut d’information sur les risques potentiels de l’acte médical. Quant à la jurisprudence française, elle a mis en lumière la responsabilité du médecin pour manquement au devoir d’information dans plusieurs décisions, à l’instar du célèbre arrêt Teyssier, où la Cour a estimé « que le docteur […] avait commis une faute en n’éclairant pas de façon assez explicite le malade sur les conséquences de l’opération chirurgicale qu’il allait subir […] que le blessé n’avait été averti ni de la nature exacte de l’opération qu’il allait subir et de ses conséquences possibles, ni du choix qu’il avait entre ces deux méthodes curatives ; qu’en conséquence les juges du fond ont pu estimer que le docteur […] avait commis une faute engageant sa responsabilité […] ».

Bien qu’elle soit nécessaire à la réalisation de l’acte médical, il est regrettable que le législateur tunisien n’ait pas prévu l’obligation d’information d’une manière explicite dans le Code de déontologie médicale (ci-après CDM), contrairement à d’autres textes qui reconnaissent expressément le devoir d’information, à l’exemple de la loi du 3 novembre 1964 portant institution d’un certificat médical et la loi du 27 juillet 1992 relative aux maladies transmissibles.

En revanche, le législateur consacre explicitement cette obligation dans l’article 19 du décret présidentiel de 2022 relatif à la télémédecine, en disposant : « La réalisation de tout acte de télémédecine doit être effectuée dans un cadre garantissant […] l’information du patient de l’identité des professionnels de santé participant à l’acte de télémédecine ».

L’article 21 dudit décret ajoute : « L’information et le consentement libre et éclairé du patient ou de son tuteur légal doivent être matérialisés par tout moyen laissant une trace sur un support électronique et, au besoin, papier ».

On trouve une autre trace de l’obligation d’information dans l’article 23 du même décret qui énonce : « Les professionnels de santé participant à la réalisation d’un acte de télémédecine doivent avoir le consentement de la personne concernée dudit acte, dûment informée ».

En outre, la loi n°43 de 2018 énonce : « Hormis les cas d’urgence médicale qui nécessitent de porter secours pour sauver la vie du patient et au cours desquels son information et le recueil de son consentement ou celui de son tuteur légal s’avèrent impossibles, le médecin ou le médecin dentiste traitant ne doit procéder à aucun acte dans le cadre de télémédecine qu’après en avoir informé le patient et, le cas échéant, son tuteur légal et avoir recueilli son consentement éclairé, et ce, par tout moyen laissant une trace écrite ou électronique ».

Toutefois, le recours à la télémédecine n’est pas sans conséquences sur l’information médicale. La spécificité de cette obligation se manifeste dans la nature « doublée » sinon « détriplée » de celle-ci. En effet, le professionnel de santé est tenu de compléter l’information médicale classique par une nouvelle information propre à la télémédecine. Cela veut dire qu’il « doit expliquer au patient en quoi consiste l’acte de télémédecine, la différence avec une prise en charge classique, les risques spécifiques inhérents à ce type d’acte et les garanties en matière de secret des informations médicales ».

Mieux encore, il doit non seulement informer le patient de l’acte médical à distance et de l’avancement de son état de santé, mais aussi de la nature dématérialisée de l’acte, l’outil technologique utilisé, les risques potentiels de cette pratique, ainsi que les liens entre les acteurs de santé impliqués, leurs rôles et fonctions respectifs.