Marchés Publics et Fonds Internationaux

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Résumé :

Les fonds internationaux jouent un rôle essentiel dans le financement des marchés publics, affichant des objectifs de développement tout en poursuivant des intérêts stratégiques sous-jacents. Officiellement, leur priorité est d'aider les pays en développement à améliorer leurs infrastructures (transports, santé, énergie) en alignant leurs financements sur les Objectifs de développement durable (ODD). Parallèlement, ils favorisent l'harmonisation législative en imposant des principes universels (transparence, concurrence...) et en standardisant les procédures, renforçant ainsi les capacités institutionnelles des États bénéficiaires. Cependant, ces financements s'accompagnent souvent de conditionnalités qui créent une dépendance économique et réglementaire, limitant la souveraineté des États par des réformes structurelles imposées. De plus, les appels d'offres internationaux favorisent les multinationales au détriment des acteurs locaux, ouvrant la voie à l'exploitation stratégique des ressources naturelles et des marchés émergents. Ainsi, si les fonds internationaux témoignent d'un engagement en faveur du développement, leurs mécanismes révèlent des schémas d'influence et de contrôle économiques.

Mots-clés : Fonds internationaux, marchés publics, développement, dépendance, harmonisation législative, conditionnalités


Les marchés publics constituent un levier central de l’action publique notamment dans les pays en développement, où les investissements massifs dans les infrastructures, la santé et l’éducation dépendent fortement du soutien financier des institutions internationales. Ils représentent en moyenne 10 à 15% du PIB d’une économie et ont donc un aspect important dans le commerce international. Cependant, en raison de la corruption et du favoritisme associés à la passation des marchés publics, il est essentiel d’établir des cadres juridiques et réglementaires solides pour garantir la transparence, la concurrence et la responsabilité dans ce domaine. A ce propos, les fonds internationaux jouent un rôle majeur dans le soutien au développement des pays en développement. Ce qui justifie pleinement cette étude qui porte sur : « Les Marchés Publics et les Fonds Internationaux ».
Les fonds internationaux sont des institutions financières internationales dont l’objectif est de fournir une aide ou des prêts aux pays en difficulté financière et de promouvoir la croissance, le développement et la coopération économique.

Les fonds internationaux peuvent se classer en trois catégories.
• Les organisations internationales (Union Européenne, Nations Unies)
• Les banques de développement (Banque Mondiale, Banque Africaine de Développement…)
• Les agences gouvernementales de coopération (Agence Française de Développement, USAid…)
Dans notre étude on va se concentrer sur la Banque mondiale et le FMI.

Un marché public est un contrat administratif, passé par une personne publique selon des critères matériels bien précis, dont l’objet du marché et la définition des besoins. Selon le professeur Laurent Richer, le marché public est « le contrat par lequel l’administration se procure des fournitures ou des services et fait réaliser des travaux moyennant un prix qu’elle verse ». Un marché public est alors un contrat conclu à titre onéreux entre un acheteur public ou privé et un opérateur économique. Il peut concerner des travaux, des fournitures ou des services.
Les marchés publics, instrument fondamental de la politique économique et sociale d’un État, ont progressivement suscité l’intérêt des institutions financières internationales (IFI) dans le cadre de l’aide au développement. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), en particulier, ont joué un rôle central dans cette dynamique. Leur implication dans les marchés publics des pays en voie de développement (PED) s’est faite par étapes, témoignant d’une évolution d’un simple soutien financier vers une volonté croissante d’influence normative et institutionnelle.
Créés suite à la conférence de Bretton Woods en 1944, la Banque mondiale et le FMI avaient des objectifs clairement définis : reconstruire l’Europe après la Seconde Guerre mondiale, puis assurer la stabilité monétaire mondiale.
La Banque mondiale s’est rapidement tournée vers les pays du Sud pour financer des projets d’infrastructures : routes, barrages, réseaux d’eau, centrales électriques, etc. Durant cette première phase, l’accent a été mis sur l’investissement physique, sans que les mécanismes juridiques ou institutionnels de mise en œuvre de ces projets ne soient pris en compte. Les marchés publics, bien qu’omniprésents dans ces projets, n’étaient pas encore perçus comme un levier de gouvernance ou de réforme.
La crise de la dette de 1980, qui a touché de nombreux pays en développement, a incité les institutions financières internationales à conditionner leurs prêts à l’adoption de programmes d’ajustement structurel (PAS). Ces programmes exigeaient des réductions des dépenses publiques, une libéralisation économique et des réformes institutionnelles.
C’est à cette époque que la Banque mondiale a adopté ses premières Directives en matière de passation des marchés, imposant aux pays emprunteurs des règles de transparence, de concurrence et d’objectivité dans la sélection des fournisseurs. Le FMI, quant à lui, a commencé à intégrer la passation des marchés publics dans son approche macroéconomique de la gestion budgétaire.
En 1990, le discours sur la bonne gouvernance a pris une ampleur considérable. Les marchés publics sont devenus non seulement un outil d’efficacité budgétaire, mais aussi un instrument de gouvernance démocratique. La Banque mondiale a développé des outils d’assistance technique, formé les collectivités locales et commencé à évaluer les systèmes nationaux selon les normes internationales. Le FMI, sans intervenir directement dans les marchés publics, a continué d’exiger des réformes pour assurer la traçabilité des dépenses, notamment au moyen d’outils tels que l’Évaluation de la gestion des investissements publics (PIMA).
Depuis les années 2010, la Banque mondiale a renforcé son cadre normatif avec l’adoption du Cadre de passation des marchés de 2016. Désormais, tout projet financé par la Banque exige l’application stricte de ses procédures de passation des marchés, même lorsque celles-ci s’écartent du droit interne de l’État emprunteur. Cette forme de supranationalité contractuelle est à la fois saluée pour son efficacité et critiquée pour imposer des règles aux États sans réelle marge de négociation.
Un exemple actuel illustrant l’implication des fonds internationaux dans la commande publique est le Projet d’interconnexion électrique Tunisie-Italie (ELMED) de 2023, financé par la Banque mondiale, la BERD et l’Union européenne. Ce projet d’envergure vise à connecter les réseaux électriques des deux pays via un câble sous-marin, dans un contexte de transition énergétique. La Tunisie, en tant qu’État emprunteur, est tenue de se conformer aux règles de passation des marchés de la Banque mondiale, qui prévalent sur sa législation nationale, notamment en matière de préférence locale (article 20 du décret tunisien de 2014). Concrètement, cela implique des appels d’offres internationaux strictement encadrés, une transparence accrue et l’obligation d’évaluer les impacts environnementaux et sociaux selon les normes internationales. Ainsi, les propriétaires de terres agricoles affectées, comme celles de Menzel Temime, doivent être indemnisés et des mesures de protection des oiseaux migrateurs sont requises. Cet exemple met en évidence l’effet harmonisateur des financements internationaux sur la commande publique, tout en soulevant des défis pour la souveraineté nationale et la participation des entreprises locales.

Quels sont, alors, les objectifs des fonds Internationaux lors du financement des Marchés publics (MP)?