La taxe carbone en Tunisie

Article By :

« Le monde de demain sera le reflet des choix d’aujourd’hui»



Instituée dans certains systèmes juridiques, souhaitée dans d’autres, contestée par certaines voix autorisées, la taxe carbone, nouveau-né de la fiscalité, ne fait pas l’unanimité. Appréhendée comme une alternative incontournable dans la lutte acharnée des États contre les émissions de gaz à effet de serre (ci-après GES) et les effets du changement climatique, la fiscalité écologique est en pleine expansion partout dans le monde. Ne pouvant plus rester encore indifférent, le droit tunisien a récemment introduit, en vertu de l’article 51 de la loi de finances (LF) pour l’année 2024, un nouveau prélèvement appelé « taxe carbone ».

« La taxe carbone est une taxe prélevée sur le prix de vente d’un produit ou d’un service en fonction de la quantité de GES tels que le dioxyde de carbone (CO2) émis lors de l’utilisation du produit ou du service. Elle est calculée à partir du prix de tonne de CO2 fixé par le gouvernement. Cette taxe est collectée par les particuliers, les entreprises et artisans».

En droit français, cette taxe regroupe les composantes carbones de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, le gaz naturel et le charbon. Elle est introduite à l’article 32 de la LF pour 2014 et s’insère dans les articles 265, 266 quinquies et 266 quinquies B du Code des douanes.

Au niveau européen, la Commission européenne propose d’instaurer une taxe harmonisée sur les émissions de CO2 d’origine énergétique de l’industrie européenne. Cette proposition fut l’objet de grandes controverses.
Au niveau international, « depuis le protocole de Kyoto en décembre 1997, conclu en vertu de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (ci-après CCNUCC), le traitement international du défi du changement climatique a évolué. Kyoto reconnaissait une responsabilité commune mais différenciée, en exonérant les pays en développement de l’exigence de tenir des objectifs contraignants de réduction de CO2. Le volontarisme partagé autour d’objectifs acceptés en commun a été retenu comme méthode de coopération. La Conférence des Parties (ci-après COP 21) à Paris en 2015 l’a scellé officiellement en combinant prise d’engagements de nature similaire, mais différenciés selon les pays. Huit ans après, la progression de la prise de conscience et le renforcement des politiques de maitrise des émissions de GES montrent que les résultats ont pu être obtenus».

La Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne (UE) sont parvenus à un accord sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières(ci-après MACF). L’utilisation de l’instrument fiscal pour le financement d’une certaine politique pour la protection de l’environnement a débuté en Tunisie en 1885 par l’institution des droits sanitaires et s’est affirmée en 1899avec l’institution d’une taxe de balayage et curage des égouts en plus de l’institution d’un prélèvement qui est à la charge des exploitants des établissements incommodes et insalubres dans le but de la réalisation d’un développement économique et social ).
En outre, la loi du 17 décembre 2002 portant LF pour la gestion 2003 a institué une taxe pour la protection de l’environnement (TPE) et la taxe pour le financement du régime de repos biologique dans le secteur de la pêche prévue par la loi de 2009.

Éparpillés et divers, ces instruments ne s’inscrivent malheureusement pas dans le cadre d’une vision cohérente de l’instrumentalisation de l’impôt pour la protection de l’environnement et paraissent « moins efficaces que la tarification du carbone».

Ce souci de protection de l’environnement permettant un équilibre entre la satisfaction des besoins sociaux et la réponse aux dépenses de l’Etat, permet à la Tunisie d’inscrire une telle réforme dans la durée à travers la taxation pour assurer sa pérennité et éviter tout dérapage possible. La taxe carbone est un choix vers lequel la plupart des pays semblent s’orienter. D’ailleurs certains pays tendent vers une réforme de leurs législations et d’autres dont les pays de l’UE comme la France, le Danemark, la Finlande et la Suède ont déjà mis en place la taxe carbone malgré une application diverse selon le pays.

L’introduction à la hâte d’une taxe dite carbone en droit tunisien, n’est-elle pas paradoxalement de nature à nuire à la compétitivité des entreprises tunisiennes sans pour autant répondre au souci mondial grandissant de justice environnementale ?

Dans la prospective d’un discours dynamique sur la protection de l’environnement globalement et la taxe carbone spécifiquement, on trouve que si l’introduction de la taxe carbone est nécessaire (I), sa consécration en droit tunisien parait embryonnaire (II).