Le consentement dissocié dans l’arbitrage d’investissement
Article By : Mohamed Abderraouf MOURIA
La Convention de Washington du 18 mars 1965 marque un tournant dans le contentieux économique transnational puisqu’elle a institué le CIRDI, un centre dédié exclusivement au règlement des différends relatifs aux investissements et dont la compétence est assujettie, selon l’article 25 de la Convention, à une double condition. D’une part, les États en présence – l’État d’accueil et l’État dont l’investisseur est ressortissant – doivent avoir préalablement ratifié la Convention de Washington. D’autre part, les litigants – l’État hôte et l’investisseur étranger – doivent consentir à ce que le différend soit porté devant le CIRDI. Que ce soit par devant le CIRDI ou une autre institution, le consentement qui fonde la compétence du tribunal a fait l’objet d’une interprétation extensive. Les tribunaux se déclarent compétents même en présence d’un consentement dissocié.
Ce phénomène a été qualifié d’arbitrage « automatique », « sans lien de droit », « transnational unilatéral », « without contractual relationship », ou encore d’arbitrage « without privity ». Ce consentement décalé, non exprimé par l’investisseur et le pays d’accueil au même moment, va substantiellement bouleverser le traitement procédural de l’arbitrage transnational. Assurément, le CIRDI a vu ses fonctions évoluer et sa compétence s’amplifier. Désormais, il n’est plus uniquement saisi sur le fondement d’une convention d’arbitrage stipulée dans un contrat d’État, mais sur la base d’une offre d’arbitrage insérée ex ante dans une loi nationale ou dans un traité bilatéral ou multilatéral de protection des investissements, une offre permanente et non individualisée exprimée par l’État hôte et offerte à la discrétion de tout investisseur ressortissant de l’autre État contractant. Autrement dit, l’État est « supposé avoir donné son consentement une fois pour toutes. Il n’a plus besoin de le renouveler à l’occasion de chaque opération ». Certes, l’interprétation extensive de l’offre d’arbitrage dans une loi nationale (1) ou dans un traité d’investissement (2) a le mérite de favoriser le recours à l’arbitrage en tant que mode usuel de règlement du contentieux États-investisseurs. Or, est-elle bien-fondée ?