Le pouvoir juridictionnel dans la nouvelle Constitution de 2022 : Quelle indépendance ?

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« Tant que, dans une nation, la justice est intacte, rien n’est compromis. Mais si elle perd son indépendance, tout est perdu »



L’indépendance de la justice est une question éminemment juridico-politique. Elle permet de mesurer la place du droit et de la justice dans la société et reflète en même temps le degré de démocratisation du système politique et le niveau atteint dans la construction de l’État de droit. Si elle est perdue, tout est perdu : le droit, les libertés, la sécurité, la démocratie et de façon générale l’État de droit. « L’Etat de droit est avant toute chose, l’Etat dans lequel les interventions de l’autorité publique, comme celles des particuliers, peuvent et même doivent, dés quelles s’avèrent irrégulières, être soumises à la censure d’une tierce partie, à savoir au contrôle du juge » .

On peut définir le terme constitution au sens matériel ainsi qu’au sens formel. La Constitution au sens matériel du terme est « l’ensemble des règles écrites ou coutumières qui déterminent la forme de l’Etat unitaire ou fédéral notamment, l’organisation de ses institutions, la dévolution et les conditions d’exercice du pouvoir y compris le respect des droits fondamentaux. Au sens formel du terme, la Constitution est définie comme étant « l’acte juridique suprême de l’Etat consignant les règles constitutionnelles au sens matériel ».

L’indépendance de la justice implique que « la constitution considère comme souveraine la fonction juridictionnelle, souverain le pouvoir qui l’exerce, souverain l’ordre dont la fonction elle-même est dépendante et qu’en effet, il n’y ait aucun pouvoir supérieur au pouvoir judiciaire ».

La Tunisie, dont la société s’est ouverte sur la culture juridique occidentale depuis le milieu de XIX siècle et dont l’économie est fortement liée aux économies européennes, ne pouvait rester à l’écart du standard de l’Etat de droit et de l’indépendance de la justice qui en est le corollaire.

L’indépendance de la justice ne peut être réalisée que par la séparation entre le pouvoir juridictionnel et le pouvoir politique comme le postulait Montesquieu. Ce postulat a trouvé une place dans la Constitution de 1959. Le préambule proclame la volonté du peuple d’instaurer « un régime politique stable basé sur la séparation des pouvoirs ». La séparation est réconfortée par le texte de la Constitution à travers la consécration d’un chapitre propre au « pouvoir judiciaire » à côté d’un chapitre relatif au « pouvoir législatif », et d’un autre relatif au « pouvoir exécutif » . La révision constitutionnelle de 2002 a ajouté que « la République tunisienne a pour fondements les principes de l’Etat de droit ».

La Tunisie a connu, depuis décembre 2010, un grand séisme social et politique marqué particulièrement par l’éclatement d’une révolte suite à l’immolation par le feu de Mohammed Bouazizi et la fin du régime autoritaire du Président Zine El Abidine Ben Ali qui a duré vingttrois ans.

La Constitution de 2014 a constitué un moment important dans l’histoire politique de la Tunisie moderne. Plus qu’une loi, elle symbolise le début d’une étape dans la vie de la nation tunisienne, elle est le dépositaire de valeurs démocratiques qui traduisent la rupture avec le régime autoritaire précèdent et l’entrée dans une nouvelle ère de construction démocratique. En effet, le pouvoir juridictionnel a été consacré dans le chapitre V de la Constitution de 2014, constitué d’une justice judiciaire, d’une justice administrative et d’une justice financière.

En juillet 2022, les Tunisiens adoptent par référendum une nouvelle Constitution. Après l’instauration de l’état d’exception, le président Kais Saïed avait décidé d’entamer un nouveau processus constituant.

On remarque que l’expression « pouvoir juridictionnel » a été remplacée, dans la nouvelle Constitution de 2022, par « la fonction juridictionnelle ». Il est, donc, légitime de mettre l’accent sur la différence entre pouvoir et fonction.

On parle de fonction lorsqu’une personne met son activité au service du public, pour remplir une tâche déterminée, soit directement, soit dans le cadre d’une organisation collective publique ou privée. La fonction peut être exercée d’une façon indépendante comme elle peut être exercée d’une façon dépendante, sous le couvert d’une organisation collective : ainsi un service public, une association, on parle alors, dans ce cas-là, d’un pouvoir.