La violation du standard du Traitement juste et équitable

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Étant le standard le plus représentatif des évolutions récentes du droit international des investissements, le Traitement Juste et Équitable (T.J.E.) se place au cœur de l’arbitrage d’investissement en raison de l’étendue des situations litigieuses liées aux actes et aux omissions de l’État hôte affectant les droits et les intérêts de l’investisseur étranger . D’ailleurs, au cours des cinq dernières années, le nombre d’investisseurs invoquant dans leurs réclamations la violation du T.J.E. a considérablement augmenté. Celle-ci est désormais le moyen le plus utilisé par les investisseurs étrangers lésés pour défendre leurs droits.
D’après la C.N.U.C.E.D., la norme de T.J.E. est consacrée, non seulement dans près de 95 % des traités d’investissement, mais aussi et en vertu des données statistiques disponibles, près de 83 % des arbitrages relatifs aux investissements fondés sur un traité ont porté sur des réclamations relatives à cette norme de traitement. De plus, une étude récente a démontré que dans plus de 80% des sentences arbitrales, l’Etat était déclaré responsable pour violation du T.J.E.. Avant d’examiner les faits susceptibles d’entraîner la violation du T.J.E. par l’autorité judiciaire, il est important de délimiter les contours de la notion de T.J.E. (1) qui a fait l’objet de plusieurs interprétations doctrinales et jurisprudentielles et qui a connu diverses analyses vu son caractère et son contenu encore imprécis et ambigu(2).

1) L’ambiguïté de la notion du T.J.E.
Une diversité de formulations caractérise la norme de T.J.E. donnant lieu à une catégorisation qui apparaît clairement dans les différentes études élaborées par certains chercheurs en matière d’investissement international. Selon M. Emmanuel Gaillard, l’obligation de garantir un T.J.E. signifie que l’Etat doit : « agir de manière cohérente, dénuée d’ambiguïté, transparente […] et qu’il doit agir d’une manière non arbitraire ou discriminatoire ». Toutefois, l’examen des traités bilatéraux d’investissement (T.B.I.) et des traités multilatéraux d’investissement (T.M.I.) a permis de constater l’existence de trois approches. La plus utilisée, en particulier dans les traités de l’ancienne génération, est celle qui prévoit simplement que l’État d’accueil doit accorder un traitement juste et équitable. D’autres traités lient la norme du T.J.E. au droit international y compris le droit international coutumier. D’autres ont opté pour l’inclusion d’une alternative à la norme du T.J.E. afin d’éviter toute interprétation erronée par les tribunaux15, tel que par exemple la notion de « traitement administratif juste ». Une autre option politique admise par certains Etats concernant la norme du T.J.E., selon laquelle cette norme est bien définie et limitée à travers l’établissement d’une liste fermée de mesures susceptibles de violer la norme.
Par ailleurs, certains Etats admettent une exclusion de la norme du T.J.E. soit d’une manière implicite ou explicite. On peut citer à cet égard l’Accord de Coopération Islamique qui ne contient pas une clause de T.J.E.. Cette absence est « une singularité » de l’accord Coopération Islamique. à laquelle les futurs investisseurs devront faire attention.
Une question peut être posée à cet égard : un investisseur étranger peut-il invoquer la violation de l’obligation du T.J.E. en l’absence d’une mention expresse ou même implicite dans le traité ?
En réponse, certains affirment que l’obligation de T.J.E. demeure aujourd’hui une norme fondamentale de protection dans les accords internationaux d’investissements, donc elle doit être interprétée, par référence à l’article 31 de la Convention de Vienne sur le Droit des traités (C.V.D.T.), conformément à son sens ordinaire, tandis que d’autres admettent qu’il n’existe pas de base juridique permettant à un investisseur de réclamer le bénéfice général de la protection du T.J.E. devant un Tribunal arbitral lorsque la norme n’est pas explicitement mentionnée dans un traité, le droit interne de l’État hôte ou dans un contrat d’État.
Cette approche était saluée par d’autres auteurs qui ont considéré, en se référant à certaines sentences arbitrales, que la norme du T.J.E. n’est pas une règle de droit international mais elle a toujours une base conventionnelle, le fait qu’elle soit établie comme une règle fondamentale dans la majorité des accords de protection et de promotion des investissements.
D’autre part, certains tribunaux arbitraux admettent l’approche selon laquelle le T.J.E. est le contenant de divers autres standards, tels que la transparence, le respect des attentes légitimes, la bonne foi, l’interdiction de l’arbitraire, le due process, l’interdiction du déni de justice.
Cependant, bien qu’il constitue la norme la plus importante dans les différends relatifs aux investissements, la signification du T.J.E. n’est pas parfaitement élucidée et dépendra des circonstances spécifiques de chaque espèce. Ceci a été clairement établi dans certaines sentences arbitrales notamment dans l’affaire Mondev c. E.U.A.